Howard Phillips LOVECRAFT

 

et autres poèmes fantastiques

 

La route aux ornières

 

 

 

Les brumes tristes de l'automne répandent leur fardeau glacé,
Un corbeau frissonne et volette à proximité;
Parmi les pâturages solitaires serpente la route aux ornières
Bordée d'ormes dénudés qui se découpent sur le ciel.

Ces traces profondément gravées qui s'étendent en silence
Au-delà des dunes fréquentées, jusqu'au bord de la Vision,
Réveillent des pensées secrètes... de désir et de peur...
Et l'imagination hésite devant cette perspective imprécise.

 

Les ombres s'amoncelant me disaient de me hâter
Le long de ces anciennes ornières jadis empruntées par un grand nombre
Un grillon se moqua de moi, de son chant sans joie...
J'avais peur du sentier... j'aurais voulu ne plus le voir!

Pourtant ici, avec sa charrette tirée par des boeufs, plus d'un berger
Avait poursuivi sa course insouciante, sur la route commune
Moi qui suis supérieur à ces rustres de la campagne
Puis-je sur des chemins détournés trouver le jour naissant ?

D'un regard inquisiteur je scrute la lande s'assombrissant
Après ce tertre, toutes les félicités m'attendent peut-être
Mais toujours l'attirance irrésistible de la route aux ornières
M'oblige à poursuivre sur ce chemin du destin.

Aussi je m'avance à tâtons parmi les arbres sombres
Où ceux qui me précédèrent trouvèrent la nuit mystérieuse;
Je marche toujours, longeant les prés fanés...
Mais qu'apercevrai-je, au-delà d u tournant ?

Des paysages plus beaux que celui-ci, charmant mes pas ?
Le Destin m'accordera-t-il ses bienfaits de choix ?
Qu'y a-t-il devant, pour accueillir mon âme lasse ?
Pourquoi n'ai-je aucune envie de le savoir ?

H. P. Lovecraft

  

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