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- Les brumes tristes de l'automne répandent leur fardeau glacé,
- Un corbeau frissonne et volette à proximité;
- Parmi les pâturages solitaires serpente la route aux ornières
- Bordée d'ormes dénudés qui se découpent sur le ciel.
- Ces traces profondément gravées qui s'étendent en silence
- Au-delà des dunes fréquentées, jusqu'au bord de la Vision,
- Réveillent des pensées secrètes... de désir et de peur...
- Et l'imagination hésite devant cette perspective imprécise.
- Les ombres s'amoncelant me disaient de me hâter
- Le long de ces anciennes ornières jadis empruntées par un grand nombre
- Un grillon se moqua de moi, de son chant sans joie...
- J'avais peur du sentier... j'aurais voulu ne plus le voir!
- Pourtant ici, avec sa charrette tirée par des boeufs, plus d'un berger
- Avait poursuivi sa course insouciante, sur la route commune
- Moi qui suis supérieur à ces rustres de la campagne
- Puis-je sur des chemins détournés trouver le jour naissant ?
- D'un regard inquisiteur je scrute la lande s'assombrissant
- Après ce tertre, toutes les félicités m'attendent peut-être
- Mais toujours l'attirance irrésistible de la route aux ornières
- M'oblige à poursuivre sur ce chemin du destin.
- Aussi je m'avance à tâtons parmi les arbres sombres
- Où ceux qui me précédèrent trouvèrent la nuit mystérieuse;
- Je marche toujours, longeant les prés fanés...
- Mais qu'apercevrai-je, au-delà d u tournant ?
- Des paysages plus beaux que celui-ci, charmant mes pas ?
- Le Destin m'accordera-t-il ses bienfaits de choix ?
Qu'y a-t-il devant, pour accueillir mon âme lasse ?
Pourquoi n'ai-je aucune envie de le savoir ?
H. P. Lovecraft

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